Oksanen Sofi - Les vaches de Staline
« Ma première fois, c’était différent. Je croyais que ce serait atroce, compliqué, sale et gluant. Je croyais que mes entrailles cracheraient du sang et que j’aurais deux fois plus mal au ventre. Je croyais que je n’y arriverais jamais, que je ne pourrais pas, que je ne voudrais pas, mais quand les premiers craquement de mes abdominaux me sont parvenues aux oreilles, mon corps en a décidé pour moi. Il n’y avait pas d’alternative. C’était divin » p. 9
C’est ainsi que commence le roman. Si on ne connaît pas le sujet principal du livre, les premières lignes du roman peuvent être trompeuses. Nous saurons vite ce à quoi fait allusion Anna…
Le roman comporte des chapitres en alternance : ils suivent le passé de Katariina lorsque la date est précisée en tête de chapitre, sinon il s’agit de chapitres où Anna parle de son quotidien, de ses peurs, de ses angoisses, de ses souvenirs. Anna, c’est la fille de Katariina.
Katariina est estonienne, elle a épousé un finlandais. Anna, leur fille est donc finno-estonienne. C’est une jeune femme en quête d’identité qui a des troubles du comportement alimentaire.
La question identitaire transparaît tout au long du roman. L’Estonie manque à Katariina : « Katariina a la nostalgie du beurre estonien sans sel, jaune clair, conditionné en pains de deux cents grammes. Et des bouteilles de lait. Des grands tasses à café. De la crème au beurre dans les gâteaux. Par ici [ie en Finlande], là où on s’attendrait à trouver de la crème au beurre, il y a de la crème fouettée. » p. 334. Elle a fait des sacrifices pour offrir des cadeaux à sa famille estonienne « Et quand dans les rabais, on dénichait une bonne jupe pour Juuli, ma mère se privait de teinture pour les cheveux » p. 496. Katariina s’est donc beaucoup privée, et Anna, qui est perturbée par sa double origine se prive également - de nourriture - en maltraitant son corps.
En fait, Anna ne vit qu’au travers de la nourriture, par privation ou abondance. Ce trouble du comportement dure depuis des années, et son corps se fatigue. « Mon corps se révoltait contre le fait que chaque jour soit un jour de boulimie. Il n’en pouvait plus. Penché sur la cuvette des WC, il n’arrivait plus à accomplir son devoir » p. 394
Au fait, les « vaches de Staline », que signifie cette expression ? Il s’agit en fait de chèvres toutes maigres, celles que les Estoniens déportés ont trouvées en Sibérie (alors qu’au même moment, le régime soviétique affirmait qu’il produisait de superbes vaches). Ce titre fait assurément référence à la fois aux origines estoniennes de Katariina et Anna ainsi qu’à la recherche de la maigreur de cette dernière.
Mon avis
Le roman traite de thèmes forts tels que l’Identité et les troubles du comportement alimentaire. Sofi Oksanen, au travers du personnage d’Anna nous dévoile des scènes dures, écrites toutefois de façon légère et parfois drôle. Il s’agit du premier roman de Sofi Oksanen et on trouve ici son écriture déjà originale. J’ai lu ce livre facilement, mais je n’ai toutefois pas réussi à m’imprégner totalement, notamment lors de la description des déboires amoureux d’Anna avec son petit ami. J’ai en revanche beaucoup aimé lire les descriptions et le côté historique de la relation entre la Finlande et l’Estonie. Le thème identitaire est très intéressant et l’histoire de Katariina et sa fille Anna, nous prouvent une nouvelle fois comment l’identité et les racines familiales traversent les générations.
Ma note
– Pour l’originalité de l’histoire : 4/5
– Pour le plaisir de la lecture : 3/5
– Pour les personnages : 3,5/5
– Pour l’écriture : 4/5
>> TOTAL = 14,5/20
Références
Les vaches de Staline [Texte imprimé] / Sofi Oksanen ; traduit du finnois par Sébastien Cagnoli. - Paris : Librairie générale française, impr. 2013 (72-La Flèche : Impr. CPI Brodard & Taupin). - 1 vol. (546 p.) : couv. ill. en coul. ; 18 cm. - (Le livre de poche ; 32916). . - Trad. de : Stalinin lehmät
ISBN 978-2-253-16736-5 (br.) : 7,90 EUR. - EAN 9782253167365